Le parcours de Catherine Bernard est à tous égards atypique.
Native de l’Ouest, dans un pays de lait, elle est tôt attirée par le travail de la terre, se rêve horticultrice, mais devient journaliste. Elle travaille à Paris, puis à Montpellier, où elle est la correspondante de Libération. L’amour de la région se transforme en amour pour la vigne, le goût du vin en défense du vin bio, en une période où le Languedoc viticole commence d’opérer sa mue qualitative.
Elle a 40 ans quand elle saute le pas et change de vie. Elle passe à Nantes un brevet agricole viticulture-œnologie, parfait son apprentissage chez un vigneron languedocien, un mi-temps après lequel elle est prête à se lancer. « Quand je me suis trouvée pour la première fois à tailler des ceps, j’ai su que j’étais faite pour ça. » Mais pour une femme qui n’est pas de la région ni du milieu et n’entend pas se conformer aux pratiques viticoles dominantes (cépages « amélioratifs » pour hauts rendements et chimie omniprésente), la chose ne va pas de soi. Alors qu’elle s’imagine dans les Corbières, l’occasion se présente, en 2005, d’acquérir trois hectares, dont un de vignes conduites en bio, dans la périphérie de Montpellier, à Saint-Drézéry. Moitié grenache, moitié mourvèdre, lui assure-t-on. En fait de grenache, il s’agit majoritairement de marselan, cépage non reconnu par l’AOC. Elle s’en accommode, s’en félicite même, prouvant qu’on peut faire du très bon vin avec ce croisement décrié de grenache et cabernet sauvignon.
Catherine Bernard
Au lieu-dit la Carbonelle, sur un coteau bien exposé au sol argileux, elle plante carignan, cinsault pour les rouges et du terret, sur une petite parcelle, pour du blanc. Ni désherbant ni engrais, soufre et cuivre utilisés avec parcimonie, gros ébourgeonnage au printemps pour aérer les grappes et réduire les risques sanitaires… Vendanges manuelles, tri parcellaire, fermentation sous levures indigènes, élevage en fûts d’un an (mais pas de bois neuf), peu ou pas de soufre à la mise. La vigne se plaît en ces lieux depuis 1576. Catherine Bernard s’y plaît aussi, son vin détonne. Fraîcheur, finesse, digestibilité. Elle obtient la certification bio en 2007, même si ses étiquettes ne le mentionnent pas. Elle vinifie chez des confrères, et doit attendre 2015 pour avoir enfin son « chai-soi », un bâtiment édifié sur la commune de Restinclières, original et inspirant, à l’image du personnage.
Quinze ans après, Catherine Bernard a relevé le défi, réussi sa reconversion (thème du premier de ses livres, publié en 2011), mais l’adversité a pris une autre tournure, et ses choix, logiquement, l’ont amenée à un autre combat. Elle en témoigne avec force dans un texte écrit au lendemain du « coup de chalumeau » subi par les vignes du Midi le 29 juin 2019, quand la chaleur extrême (45 °C) et le vent ont littéralement calciné la vigne. Ce n’était pas une calamité agricole ! enrage-t-elle, mais le résultat désastreux de nos pratiques.
« Si la vigne n’a plus sa place dans le Midi, l’homme ne l’aura pas davantage, car le soleil et le vent seront brûlure sur sa peau. (…) Ce que les vignes disent, c’est que notre civilisation elle-même est menacée. »
Vins ! Boire Bio accueille Catherine Bernard en tant que vigneronne et auteure (voir par ailleurs).
Catherine Bernard
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